Entretien avec un arbitre, Episode 2 | L’interview de Julien Wiesen (AS Uhrwiller)

En complément des couvertures photo et des résumés de rencontres relatant les performances sur le terrain des plus jeunes aux plus anciens, après avoir commencé à donner la parole à Wiesen Patrick, c’est son fils Julien qui prend le relais cette semaine.  Retrouvez, ci-dessous, le contenu de cet entretien…

Présentation de l’arbitre

AM: Présentes toi en quelques mots.

JW: Bonjour à tous, je m’appelle Julien Wiesen, j’ai 18 ans. Je suis originaire de Mertzwiller et j’habite chez mes parents, avec mon frère cadet de 15 ans, Guillaume. J’étais scolarisé au Séminaire de Jeunes de Walbourg jusqu’en 3e. J’y suis sortit après mon brevet des collèges, pour me tourner vers l’apprentissage et obtenir un CAP de conducteur d’engin que j’ai fait en alternance à Montigny les Metz. Actuellement j’y suis encore pour obtenir un Bac Pro Travaux Public. Ayant déjà un pied dans la vie active, je m’arrêterais là à mon avis, pour y entrer pleinement dès ma sortie du Bac Pro.

AM: Parle nous de ta carrière dans l’arbitrage.

JW: J’ai commencé l’arbitrage en octobre 2018, soit à 13 ans et 10 mois. Cela fera donc en octobre prochain, 5 ans que je suis arbitre, mais vraiment 3 ans, si l’on fait exception des presque 2 années de la COVID. Le 1er match fût très compliqué et se jouait entre les U15 de Schweighouse et Berstett. J’étais je pense, le plus jeune sur le terrain. C’était très difficile de diriger les 22 acteurs et les dirigeants, et au fur et à mesure, il a fallu se faire une place parmi les joueurs et entraineurs, et montrer que je ne me laissait pas “marcher dessus”. Lorsque j’ai signé ma licence, j’ai signé pour le club de l’AS Uhrwiller. Je suis très content d’avoir signé pour ce club, il y a une très bonne ambiance, je m’y sens bien et je suis reconnu comme licencié à part entière dans ce club, au même titre qu’un autre joueur. Je suis invité aux manifestations, je participe quand je peux aux entrainements, et j’y vais également pour arbitrer certains de leur matchs amicaux, et le samedi matin pour les U7. J’adore cela d’ailleurs de voir ces jeunes jouer au foot, ça me rappelle mes débuts. Je suis donc très fier de siffler pour ce club qui vient de monter en D1, et je pense pouvoir dire que le Président Stéphane Weber, et tous les membres du clubs, sont très contents que je suis chez eux. Depuis octobre 2022, j’ai été nommé JAL, Jeune arbitre de ligue, et je dirige principalement des matchs de U18R1, U19R2, touche en U17 ou U19 National au Racing, et cette année je fais partie de la filière JAL/R3. Lorsque cette interview sera publiée, j’aurais dirigé mon 1er match officiel en R3 Wittersheim-Drulingen, espérant que cela se passe du mieux possible, et pour tout le monde.

Questions autour de l’arbitrage

AM: Etre arbitre est une vocation. Comment est arrivé cette envie de prendre le sifflet?

JW: J’ai joué dès mes 5 ans au football, au poste de gardien de but. D’abord à Mertzwiller, puis à Ohlungen. Mais au fil du temps, je ne retrouvais plus le même plaisir qu’à mes débuts, et j’ai donc décidé d’arrêter de jouer au football. Pendant quelques temps, je ne faisais quasi rien du tout , et cela ne plaisait pas du tout à mes parents, et surtout à mon père qui voulait que je pratique un sport. Nous sommes allés voir un entrainement de judo, puis de rugby, j’avais plus le gabarit pour ces 2 sports, que pour le tennis ! Mais cela ne m’intéressait pas non plus. Mon père un soir m’a posé la question suivante “tu veux pas faire arbitre?” Je lui ai sourit, mais je ne lui ai rien dit, ni oui, ni non. Quelques jours plus tard, un lundi soir, il est à nouveau venu me voir en me disant, je t’ai inscrit à la formation initiale en arbitrage, tu commences lundi prochain à Herrlisheim, et je t’ai même trouvé un club. Je lui ai répondu ah bon, mais quel club ?, il m’a répondu l’AS Uhrwiller, et nous en sommes restés là. J’ai participé à cette formation, et lorsque je suis devenu arbitre officiel, il m’a pris à part et m’as dit qu’à l’époque, ce n’était pas vrai il ne m’avait pas inscrit, il avait prêché le faux pour savoir le vrai, et comme je n’ai pas dit non, c’est là qu’il a appelé le club, et qu’il m’a donc inscrit à cette formation. Bref, il m’a bien eu, et c’est comme cela que l’histoire a commencé !

AM: Peux-tu nous parler de ton parcours personnel?

JW: Je ne peux pas vraiment parler encore de parcours personnel, et notamment dans l’arbitrage. Ce que je peux dire, c’est qu’au début ce n’était pas facile, pour un tas de raisons. Comme j’étais jeune, je n’osais pas vraiment m’affirmer, et je dois dire que là où je pense avoir eu le plus de mal au début, c’est avec les entraineurs. J’arbitrais des catégories au début U15 de District, il faut dire qu’à cet âge, ces joueurs là ne sont pas les plus contestataires, mais ce sont plutôt les éducateurs, adultes, qui sont ceux qu’on entends le plus et qui m’ont critiqué. Pour moi, ce n’était pas facile, et comme je l’ai dit plus haut, il a fallu que j’apprenne à bomber le torse et sortir les dents . Je me souviens notamment d’un entraineur à Schirrhein en U15A, en mars 2019, qui m’avait dans un match contre GJAN à Niederlauterbach, quasi critiqué du début à la fin. Je ne sais plus le score mais c’était quelque chose comme 7-3 ou 7-4. J’avais fait des erreurs certainement, mais cela m’avait un peu marqué. Pour mon papa, et qui m’accompagnait à tous mes matchs, ce n’était pas facile non plus, de voir un jeune arbitre se faire critiquer, qui plus est lorsque c’est son fils. Il a du a plusieurs reprises, se boucher les oreilles. Par après, j’ai réarbitré cet entraineur, mon papa m’avait dit, lui il faut qu’il comprenne que l’arbitre qu’il a vu il y 5 mois, ce n’est plus le même. Ca n’a pas loupé, sur une touche de l’autre côté du terrain et de son banc et à Schirrhein , qu’il réclamait être pour lui alors qu’il était à 70m, je me suis retourné et de loin lui avoir dit ” Mr l’entraineur je dois venir ? ” Sur un ton ferme et audible. Ce jour là, lui et moi avons compris, que je n’étais plus le même arbitre. Récemment j’ai dirigé en U19R2 FCSK06 contre Inter Meinau, croyez moi, j’ai bien changé depuis.

AM: Quel niveau ambitionnes-tu dans l’arbitrage?

JW: J’aspire à aller le plus loin possible, mais pour autant et si cela ne devait pas me réussir, je me dit qu’il y a pire dans la vie. Bien sûr je serais déçu, comme je l’ai été il y quelques mois. Je faisais partit de la filière pour devenir JAF, jeune arbitre de Fédération. J’avais réussi le test physique, 40x75m en 15s, avec 20s de recup, et 2 sprints de 40m à faire en moins de 6.2s. Mais mes résultats théoriques n’étaient pas à la hauteur, et j’ai donc été retiré du groupe. Quelque part c’est dommage, car je ne pourrai plus me représenter à nouveau. En effet, il faut au jour de l’examen, ne pas être âgé de plus de 19 ans, et cela l’année prochaine sera mon cas. C’est là que les années COVID, m’ont et nous ont freiné, car tout était bloqué, et ces 2 années, je ne peux plus les rattraper. Je ne suis malheureusement pas le seul, et ne peux rien y faire, c’est comme ça, il faut passer à la suite. Je suis jeune, et j’ai les années devant moi pour progresser et me faire plaisir sur un terrain de football tout en arbitrant.

AM: Quel(s) est/sont ton/tes meilleur(s) souvenir(s) en tant qu’arbitre?

JW: Pour l’instant, et avec le peu d’années d’arbitrage que j’ai, c’est un match du 25 Septembre 2021 en U16R1 entre Vauban et Schiltigheim. Sur le terrain, tout le monde se connaissait car ils sont pour la plupart ensemble au collège. C’était un match incroyable ! Tout autour de la main courante 150 personnes dont beaucoup de jeunes qui essayaient de m’intimider, et avec toutes sortes de noms d’oiseaux, sans que je siffle quoique ce soit. Dans ce match à la fin, il y a eu 5 corners d’affilés et Vauban égalise sur l’un de ces corners à 2-2 partout. C’était un match où en tant qu’arbitre, tu dois rester dans ta bulle, rester concentrer du début à la fin pour ne pas perdre le fil de la rencontre, et faire abstraction de l’environnement extérieur. A l’époque je n’avais même pas 16 ans. C’était un super match, pas du tout facile à arbitrer, mais pour un arbitre qui cherche à progresser, pour apprendre, il y a pas mieux ! Par après, j’ai été à nouveau désigné sur le match retour, celui-ci c’était très bien passé, j’avais su bien gérer la rencontre.

AM: Au contraire, quel(s) est/sont ton/tes pire(s) souvenir(s) en tant qu’arbitre?

JW: Comme je n’ai pas trop de matchs à mon actif, je n’ai pas vraiment de pire souvenirs. J’ai plutôt un match compliqué en U19R2 FCOSK06 contre Seltz. En fin de match vers la 86e mn, score de 7-6 pour Seltz, Seltz a le ballon qui est envoyé vers un joueurs en position de HJ. Mon AA lève le drapeau un peu trop tôt, le joueur n’ayant encore pas eu le ballon. Entre temps le ballon est contré par un défenseur qui tente de le joueur clairement. A l’époque la loi 11, disait que si un attaquant était HJ, et que le ballon était contré par un défenseur qui tentait de le jouer intentionnellement, l’attaquant ne devait pas être sanctionné. Du coup je fais signe à mon AA de baisser le drapeau, l’attaquant file au but et marque le 7-7. Je ne vous raconte pas le nombre de joueurs du FCOSK06 que j’avais autour de moi, sans compter l’entraineur qui réclamait. J’avais beau leur expliquer la règle, ils ne voulaient rien savoir. Depuis la loi à évolué et est devenu plus claire, et pour la même action, l’attaquant aurait sanctionné d’un CFI pour HJ. Le soir, je n’ai pas arrêté de penser à cette action, et je n’ai pas vraiment bien dormi, car je pensais que j’avais fait une erreur.

AM: Selon toi, pour un jeune, est-il difficile d’assumer son désir de devenir arbitre?

JW: Je pense que pour les jeunes qui veulent se lancer dans l’arbitrage, c’est très dur. J’ai l’impression que la mentalité ces dernières années a changé, entre les joueurs, les coachs, dirigeants et spectateurs. Je pense que pour un jeune qui débute, il est important de le mettre dans les meilleures dispositions, dans un climat serein, surtout lorsque c’est son 1er match de sa jeune carrière. Moi pour mon 1er match, ce n’était pas le cas. L’entraineur de Berstett, qui était seul sur son banc, et je me suis demandé pourquoi il n’y avait pas de remplaçant, n’a pas arrêté de crier sur ses joueurs lorsqu’ils faisaient un mauvais choix, ou une mauvaise passe, alors vous pensez bien que moi, pour 1er match, en étant à côté de la plaque, il ne m’a pas fait de cadeaux. Honnêtement pour moi, j’avais l’impression que ce match, c’était pour lui la champions league ! J’ai compris au fil du match, pourquoi il était seul sur le banc, personne ne voulait jouer dans cette équipe, avec lui comme entraineur ! Pour autant même si cela est difficile lors de son ou ses premiers matchs, un jeune arbitre est encadré par un arbitre confirmé pour quelques matchs. Puis lorsque l’on estime qu’il peut se rendre à un match seul, il est “lâché” pour évoluer par sa propre manière. Il y a pour cela une cellule tutorat qui est mise en place, spécialement dédiée à tous les arbitres qui arbitrent pour leur 1ère fois.

AM: Au sujet des jeunes candidats arbitre, quel(s) conseils voudrais-tu donner à un jeune voulant se lancer dans l’arbitrage?

JW: Il faut être transparent avec eux, et leur dire que ce n’est tout simplement pas la voie la plus facile. Pour autant, on peut se faire super plaisir en se disant que c’est toi qui dirige le match. Moi ce que j’aime, c’est quand des personnes que je ne connais pas, viennent me voir et me saluer à la fin du match pour me dire , bravo pour ton arbitrage, c’est super, continu ! Cela me fait très plaisir. Je pense que comme moi, il faut commencer très tôt vers 14 ans, car on peut engranger de l’expérience très vite, pour pouvoir progresser pour la suite. Après il faut le dire, pour moi c’était plus facile avec mon papa qui m’accompagnait à tous mes matchs, et avec qui le samedi matin, on débriefait sur la rencontre du samedi précédent, pour pouvoir m’améliorer et éviter les mêmes erreurs, afin de progresser. Moi je dirais à un jeune de prendre son courage à 2 mains, l’arbitrage permet si l’on est timide ou réservé, de s’ouvrir aux autres, et de prendre confiance en soi. Cela peut servir à l’école, au quotidien ou tout simplement pour sa vie future et professionnelle.

AM: Selon toi, qu’est-ce qu’un bon arbitre?

JW: Pour moi, un bon arbitre c’est d’abord un arbitre qui respecte les joueurs, le staff technique, les spectateurs présents. Même si on vous critique ou on vous insulte, on a pas à répondre. Un arbitre ne doit pas venir dans l’optique de distribuer les cartons à tout va. Il doit d’abord communiquer avec les acteurs de la rencontre, expliquer le pourquoi du comment. Par après, il doit de se faire respecter et ne pas se faire déstabiliser par les joueurs ou l’environnement, et toujours montrer qu’il a le contrôle du match et de la partie. Lorsque vous êtes déstabilisé, ou “à côté de la plaque”, les joueurs et tout le monde, le ressente, et parfois en profite. De mon côté, et étant ancien gardien, je porte une attention plus particulière sur les gardiens de buts. Je leur demande sur CF aux abords de la surface de réparation, et avant de siffler, s’ils sont prêts.

AM: On dit que la fonction d’arbitre est parfois ingrate et que les joueurs son parfois agressifs envers le corps arbitral. Comment, selon toi, améliorer la relation joueurs/éducateurs et arbitres? Comment être, selon toi, apprécié et respecté par les joueurs?

JW: Pour moi, et je l’ai dit plus haut, un arbitre ne doit déjà pas venir en se disant je vais mettre tant et tant de cartons. Ce n’est pas cela l’arbitrage. Nous dirigeons en gros 15 personnes de chaque équipe en comptant entraineur et dirigeant. Forcément, lorsque l’on siffle, il y a 15 personnes qui ne sont pas d’accord, si je puis dire, et donc quoique je siffle, j’aurais toujours un joueur, un entraineur, un spectateur contre moi. Je pense que rien que déjà pour cela, c’est un rôle ingrat. Je pense que pour être apprécié, il faut être juste. Même faute, même sanction. Si on fait déjà cela, c’est déjà très bien et les gens apprécieront. Après ce n’est pas tout, mon comportement, mon relationnel doit être correct, avant, pendant, et après le match. nous devons être respectueux envers le public, les acteurs, afin de donner une bonne image des arbitres. Je pense que si nous faisons déjà cela, on nous pardonnera mieux nos erreurs. D’ailleurs, il m’arrive de me tromper, et lorsque j’explique que c’est le cas, j’ai remarqué que l’on me comprends mieux, plutôt que si je reste butée sur ma position.

AM: Qui est, pour toi, la référence en matière d’arbitrage, que ce soit au niveau District, Régional, National ou International?

JW: J’ai toujours aimé un arbitre que je n’ai jamais pu vraiment regarder car trop jeune à l’époque mais qui pour moi est une référence, lorsque je regarde certaines vidéos de son match. C’est Eric Poulat. J’ai eu la chance de plus le connaitre en dehors de ses prestations, et donc de connaitre l’homme. C’est lui qui m’a appris à pêcher, dans un étang qu’il possédait lorsqu’il habitait du côté de Roanne. Récemment, en juin avec mon papa, nous sommes allés lui rendre visite en région parisienne, pour y passer quelques jours. Il occupe maintenant la fonction de CTRA pour la ligue de Paris. Je connais donc plus l’homme que l’arbitre. Sa vitrine de trophées est impressionnante, surtout pour un jeune qui comme moi, n’a pas vraiment de palmarès. Ce qui est dingue, c’est que cet arbitre a fait le tour de la France, le tours des stades en Europe, envoyait une carte à mes parents à chaque match internationaux pour leur passer le bonjour, a arbitré les plus grands joueurs européens en Champions League, et est pourtant d’une humilité exceptionnelle. Il n’est pa du genre à raconter sa carrière, au contraire, c’est lui me pose des questions pour me demander comment ça se passe. Franchement pour moi c’est un grand Monsieur. Autrement je n’ai pas vraiment de référence mais j’aimais bien voir arbitrer le Néerlandais Björn KUIPERS qui s’est arrête en 2021, et qui a eu, une carrière phénoménale également.

AM: Ton mot de la fin?

JW: Même si parfois, l’arbitre est un peu la bête noire, ou l’homme à abattre, je suis là pour servir le football, et ce n’est pas moi qu’on vient regarder. Je dois donc essayer de me faire le plus discret possible, et de passer inaperçu, tout en faisant mon “job” ou mon devoir. Je dois faire en sorte que cela se passe au mieux pour les équipes, et que l’on ne parle pas de manière négative du trio, ou de moi-même. Par cet article, je voudrais également soutenir tous les jeunes qui se lancent dans l’arbitrage comme moi, et leur dire que rien n’est impossible et que c’est une fonction valorisante au final, et qu’il ne faut pas s’arrêter à des préjuges. Je voulais remercier Nord Alsace Foot, pour avoir pu expliquer ma jeune carrière d’arbitre.

Merci à Julien Wiesen de bien avoir voulu répondre à nos questions


Si vous êtes un arbitre officiel et que vous souhaitez également être mis en avant en répondant à ce questionnaire, veuillez me contacter en m’envoyant un e-mail à alexandre.mastio@gmail.com

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